Rencontre avec Adama Sana, dans le cadre du projet COVID4P

Rencontre avec Adama Sana, dans le cadre du projet COVID4P

Publié le 18 octobre 2021

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La Dr Adama Sana est chercheuse au Centre Muraz (Bobo-Dioulasso, Burkina Faso), dans cet entretien, elle nous fait part du projet COVID4P qui vise à étudier et à évaluer les facteurs de propagation de la covid-19 au sein des populations vulnérables, notamment.


Bonjour Adama Sana, pouvez-vous vous présenter ?


Titulaire d’un master en sciences de la santé publique, – à finalité santé environnement -, obtenu à l’Université Libre de Bruxelles, et d’un doctorat en santé publique – réalisé en cotutelle à l’Université Joseph Ki-Zerbo de Ouagadougou et à l’Université Libre de Bruxelles -, je suis également médecin diplômée de l’Université de Ouagadougou. 

De 2009 à 2021, j’ai occupé plusieurs fonctions en recherche au sein du Centre MURAZ, notamment dans le domaine des maladies non transmissibles et de la santé environnementale. J’ai en effet été co-investigatrice et responsable scientifique du projet COVID4P “Analyse des relations entre pauvreté, pollution, prévention et progression du Covid-19 au Burkina Faso”, en collaboration avec l’université Paris-Dauphine. Il s‘agit d’un projet financé par l’ANRS | Maladies infectieuses émergentes dans le cadre de l’appel à projets « Flash Covid-19 » lancé en 2020.


De quel constat êtes-vous partie pour monter ce projet ?


Ce projet est né de plusieurs constats :

– la fragilité des systèmes de santé,

– l’insuffisance en ressources humaines qualifiées,

– l’insuffisance d’équipements de réanimation dans la plupart des pays africains dont le Burkina Faso. 

– l’absence de traitements efficaces et de vaccins à cette époque, qui imposaient de privilégier les mesures préventives dans la riposte contre la Covid-19. 

 


Dans quel contexte s’inscrit le projet COVID4P ?


Dans le cadre du projet REDGAS, nous avons collecté entre novembre 2019 et mars 2020, des données sur le niveau de vie des ménages, l’état de santé déclaré, les pratiques de cuisine et l’exposition aux particules fines des personnes en charge de la préparation des repas auprès de 825 ménages (environ 4 000 personnes) provenant de trois villes de la région du centre-sud du Burkina Faso. 

Ces données permettent d’avoir des informations précises sur l’exposition aux particules fines de plusieurs centaines de personnes juste avant le déclenchement de la pandémie et offrent l’opportunité d’analyser de façon précise l’importance de l’exposition aux particules fines comme facteur déterminant du risque de contracter la Covid-19 et de développer des formes graves. Les ménages ont été géoréférencés, ce qui a par la suite facilité et permis la mise en place d’un suivi longitudinal.

Le projet COVID4P s’inscrit dans la continuité du projet REDGAS, il vise à évaluer spécifiquement l’influence des facteurs tels que le niveau de connaissance des populations sur la maladie, l’impact du niveau socio-économique des ménages dans l’adoption de comportements de prévention, le rôle prépondérant de la pollution aux particules fines dans la propagation de la maladie et dans son intensité.


Pourquoi avoir choisi de mettre en place le projet COVID4P dans ce pays-là ?


Nous connaissions mieux le contexte. Les deux équipes – celles du Centre MURAZ et de l’Université Paris-Dauphine –  y avaient déjà mené des projets conjoints et nous disposions d’une base de données consistante et intéressante qui nécessitait seulement d’être complétée. 


Les ménages les plus pauvres ont souvent recours à des énergies domestiques polluantes tels que le bois et le charbon pour la cuisine et le chauffage. Des études ont montré que, dans ces ménages, les niveaux de pollution aux particules fines sont extrêmement élevés et dépassent largement le seuil maximum recommandé par l’OMS. La pollution de l’air fragilise les poumons et porte atteinte au système immunitaire des personnes exposées, les rendant plus vulnérables aux infections respiratoires dont la Covid-19. Ces personnes sont donc susceptibles de faire des formes graves de la maladie. 


Supposez-vous que les personnes les plus pauvres soient plus exposées à la pollution et donc au Covid-19 ? Si oui, pourquoi ?


Les ménages les plus pauvres ont souvent recours à des énergies domestiques polluantes tels que le bois et le charbon pour la cuisine et le chauffage. Des études ont montré que, dans ces ménages, les niveaux de pollution aux particules fines sont extrêmement élevés et dépassent largement le seuil maximum recommandé par l’OMS. La pollution de l’air fragilise les poumons et porte atteinte au système immunitaire des personnes exposées, les rendant plus vulnérables aux infections respiratoires dont la Covid-19. Ces personnes sont donc susceptibles de faire des formes graves de la maladie du fait de cette fragilité pulmonaire dû à la pollution. Aussi les particules pourraient servir de vecteurs et favoriser le transport du virus qu’est le SARS-CoV-2 et sa pénétration dans l’appareil respiratoire.

D’autre part, les contraintes financières auxquelles sont soumises les ménages les plus pauvres ne leur permettent pas l’achat de savon, de gel hydro alcoolique et de masques en quantité suffisante pour que les membres du ménage puissent se protéger de l’infection, limitant ainsi l’adoption des gestes élémentaires de prévention contre la maladie. 


Y a -t-il d’autres études qui ont montré un lien entre la pollution et un risque accru de développer la Covid-19 ?


Oui, plusieurs études plaident en faveur d’un lien entre une exposition chronique à la pollution de l’air et le risque accru de survenue de cas de Covid-19 et de ses formes graves avec un taux de mortalité plus élevé. Par exemple, une étude conduite par l’équipe de Tian Huaiyu sur 324 villes chinoises suggère qu’une augmentation de 10 µg/m³ de particules fines conduisait à une hausse significative de 15 % des cas de Covid-19. Aux Pays-Bas, Bo Pieter Johannes Andrée et ses collaborateurs ont noté un doublement des cas de Covid-19 lors d’une exposition de 10 µg/m³ à 12 µg/m³. 

Bien sûr la plupart de ces études nécessitent d’être approfondies et confortées par des études méthodologiquement plus robustes.


Quand pensez-vous avoir des résultats de l’étude COVID4P ?


L’étude comporte trois phases : une première enquête, une phase d’intervention suivi d’une deuxième enquête. Les résultats de la première enquête réalisée dans le cadre du projet COVID4P, menée entre mai et juin 2021 sont en cours d’analyse et devraient être bientôt disponibles. Les résultats de l’ensemble de l’étude COVID4P seront probablement disponibles aux alentours de mars 2022, la dernière enquête étant prévue pour novembre-décembre 2021.


Pour plus d’informations sur :

La lutte contre la pandémie de Covid-19 en Afrique 

Contact presse :

Département de communication et d’information scientifique de l’ANRS | Maladies infectieuses émergentes : 

information@anrs.fr