Journée mondiale contre l'hépatite : entretien avec Fabien Zoulim et focus sur les travaux de Julie Lucifora

A l’occasion de la journée mondiale des hépatites, Fabien Zoulim, professeur de médecine à l’université de Lyon, chef du service d’hépatologie des Hospices civils de Lyon, chef du laboratoire de recherche sur les hépatites virales Inserm U1052, coordinateur du projet européen « IP-cure-B », du projet RHU « CirB-RNA » et de la Task Force ANRS « HBV Cure » nous présente les points à retenir du workshop ANRS HBV Cure 2022. 

Publié le 26 juillet 2022

Avancées dans la compréhension des mécanismes de persistance du VHB

Aspect virologique

Des données récentes concernant le réservoir viral (cccDNA du VHB) ont été présentées lors de cette édition du workshop HBV Cure. Les chercheurs ont notamment discuté de la manière dont ce réservoir se forme et est régulé au cours de l’infection chronique et de quelle manière il pouvait être ciblé notamment en utilisant de nouvelles approches de type « ciseaux génétiques ».

Aspect immunologique

Les chercheurs ont également présenté des données récentes sur les mécanismes immunologiques impliqués dans les défauts de réponse immunitaire des patients afin de mieux les comprendre pour les restaurer de manière efficace et permettre ainsi de contrôler ou d’éliminer le virus, ceci, notamment grâce aux nouvelles approches comme les vaccins thérapeutiques.

Nouvelles technologiques permettant d’évaluer le site de l’infection (compartiment hépatique), le réservoir viral et de la réponse immunitaire hépatique

L’évaluation du réservoir hépatique sur le plan virologique et immunitaire est important, car elle permettra de déterminer l’impact des nouvelles approches thérapeutiques actuellement évaluées en essais cliniques sur le réservoir viral et les réponses immunitaires antivirales.

Les experts ont discuté de nouvelles approches d’analyse du compartiment hépatique, moins invasives que la biopsie hépatique, telles que les aspirations à l’aiguille fine. De nouvelles technologies de PCR et d’immunologie permettraient par ailleurs d’étudier le réservoir viral et les réponses immunitaires intra-hépatiques sur ce type de prélèvement au cours d’essais cliniques et ainsi de générer des informations cruciales pour le développement des nouvelles approches thérapeutiques.

Tour d’horizon des avancées thérapeutiques dans le domaine de l’hépatite B et des co-infections VHB-VHD 

Une revue des essais cliniques les plus récents a été réalisée et a montré que ce champ de la recherche est très dynamique : de nombreuses molécules antivirales et plusieurs stratégies d’immunothérapie sont en essais cliniques de phase II, le plus souvent en combinaison thérapeutique : soit avec des antiviraux directs ou alors avec des antiviraux directs et de l’immunothérapie.

De grandes avancées ont été faites sur certaines classes de molécules comme les inhibiteurs de capsides et sur des stratégies visant des ARN viraux (soit avec des siRNA ou des nucléotides antisens).

En ce qui concerne l’hépatite Delta, un inhibiteur d’entrée du virus (le bulévirtide) a été approuvé de façon conditionnelle par l’Agence européenne des médicaments (EMA) – compte-tenu du fait que jusqu’à maintenant, aucun traitement n’était disponible pour cette hépatite. Les modalités d’administration sont en cours d’élaboration en attendant les résultats des essais cliniques de phase III. D’autres molécules antivirales sont également en cours d’étude dans différents essais cliniques.

Dans la recherche thérapeutique sur les hépatites B et Delta, l’ANRS | Maladies infectieuses émergentes promeut et finance l’étude de cohorte BuléDelta (suivi des patients sous Bulevirtide) qui a déjà inclus 193 patients dans 30 centres. Elle sponsorise également IP-CURE-B, un essai clinique financé par l’Europe qui vise à stimuler réponses immunitaires antivirales par un agoniste de TLR8 (Selgantolimod) et qui a déjà inclus six patients en France.

Prochain rendez-vous de la recherche sur le VHB et le VHD

Le prochain International HBV Meeting aura lieu en France, à Paris, et se tiendra du 18 au 22 septembre 2022. Il rassemblera des chercheurs impliqués dans la recherche sur la biologie des virus des hépatites B et Delta. Les co-organisateurs sont David Durantel (Inserm) et Hélène Strick-Marchand (Institut Pasteur).

Focus sur les travaux de Julie Lucifora

Julie Lucifora est chargée de recherche à l’Inserm et travaille au Centre international de recherche en infectiologie (CIRI) de Lyon (Inserm, CNRS, ENS de Lyon, Université Lyon 1) au sein du laboratoire HepVir, dirigé par David Durantel. Elle est également membre du bureau de l’AC42, le groupe d’animation de la recherche fondamentale sur les hépatites virales au sein de l’agence. A l’occasion de la journée mondiale des hépatites, nous l’avons rencontrée afin qu’elle nous parle de ses travaux.

Ma passion pour la virologie s’est manifestée très tôt dans mes études ensuite j’ai fait un stage au sein de l’équipe de Fabien Zoulim qui travaillait sur les hépatites, c’est ce qui m’a conduit à en faire le sujet de ma carrière.

Dans le laboratoire HepVir, nous travaillons sur les virus des hépatites dans l’objectif de mieux comprendre les interactions de ces virus avec leurs cellules hôtes afin d’identifier des nouvelles cibles thérapeutiques permettant de tester de nouvelles molécules et développer de nouveaux antiviraux.

Ces dernières années, j’ai principalement travaillé sur l’interaction entre les virus des hépatites B (VHB) et Delta (VHD). Le VHD est un satellite du virus HBV et la co-infection des patients par ces deux virus peut induire une des formes les plus agressives d’hépatite virale chronique avec un risque accru et une progression plus rapide vers la cirrhose ou le cancer du foie. Les raisons précises de l’aggravation de la maladie hépatique sont mal connues. Bien que le VHD ait besoin du VHB pour se propager dans l’organisme et d’un individu à l’autre, il a été remarqué que chez la plupart des patients co-infectés VHB/VHD, les charges virales VHB sont plus faibles que chez les patients mono-infectés VHB. Pour une meilleure prise en charge médicale de ces co-infections, il est important de mieux connaitre les modalités d’interactions entre les deux virus et les cellules du foie. Mon travail consiste à comprendre, d’un point de vue moléculaire, les mécanismes qui mènent à l’inhibition du VHB par le VHD. Nous espérons que cela nous permettra de mieux comprendre l’aggravation par le VHD de la maladie hépatique provoquée par le VHB ainsi que de développer de nouveaux traitements pour les patients.

Selon moi, deux défis majeurs restent à relever : il est nécessaire de trouver des stratégies permettant d’éliminer le VHB et le VHD et dans le cas du virus de l’hépatite C, il faudrait trouver un vaccin, car bien qu’il existe un traitement, celui-ci reste relativement cher et donc pas accessible à tous.

Lien vers le reste du dossier réalisé à l’occasion de la journée mondiale contre l’hépatite 2022

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