Protéger et sensibiliser les personnes immunodéprimées face à la Covid-19 : entretien avec Yvanie Caillé

Protéger et sensibiliser les personnes immunodéprimées face à la Covid-19 : entretien avec Yvanie Caillé

Publié le 04 avril 2022

A l’occasion d’un point presse sur les travaux de recherche à destination des personnes immunodéprimées ou à haut risque de développer une forme grave de la Covid-19, Yvanie Caillé, fondatrice de l’association Renaloo et membre du conseil d’orientation de la stratégie vaccinale, a présenté le rôle des associations dans la protection et la sensibilisation des personnes immunodéprimées face à la Covid-19.

Pourquoi avoir fondé l’association Renaloo ?

Atteinte d’une maladie rénale depuis l’âge de 12 ans, j’ai dû être dialysée en urgence en 2001. Un an plus tard, je recevais le rein donné par ma mère. Durant cette expérience tumultueuse, je me suis posée beaucoup de questions et j’ai cherché des réponses notamment sur Internet, mais il existait alors très peu de sites destinés aux patients. Celui qui m’a le plus aidé était le blog d’un jeune patient américain, qui avait vécu la même chose que moi deux ans auparavant : il y racontait son parcours, étape par étape. C’était extrêmement concret et rassurant. Une fois transplantée, j’ai décidé de reproduire la même démarche, mais en français. C’est ainsi que le site Renaloo est né en septembre 2002, voilà bientôt 20 ans. Il a eu immédiatement beaucoup de succès. Très rapidement, le site a rassemblé une communauté de patients, qui s’est transformée quelques années plus tard en association de patients. Presque 20 ans après, Renaloo est toujours très engagée et active, notamment dans le domaine de la démocratie en santé et pour soutenir les personnes malades, qui ont payé un lourd tribut à la crise sanitaire.

Ces patients attendent à juste titre que la société ainsi que leurs soignants les protègent.

Comment décririez-vous la situation particulière des personnes immunodéprimées face à la Covid-19 ?

Les personnes immunodéprimées sévères, qu’elles soient transplantées, dialysées, atteintes de certains cancers ou prenant certains traitements, sont toujours en danger en raison de l’ampleur de la pandémie de Covid-19 en France, du fait de leur réponse nulle ou insuffisante à la vaccination et de la gravité qui, pour elles, reste élevée face au variant Omicron. Ces patients représentent toujours une proportion importante des séjours en réanimation, alors qu’elles sont moins de 300 000 au total en France et que la plupart ont d’ores et déjà reçu cinq voire six doses de vaccin. Leur mortalité en cas de contamination est toujours considérable – de l’ordre de 15 % – sensiblement supérieure à celle des résidents d’Ehpad avant la vaccination. Le risque encouru par chacune d’entre elles est très largement supérieur à celui des non-vaccinés, du fait de leurs fragilités. Leur protection peut cependant être largement améliorée par l’administration d’un traitement par anticorps monoclonaux en prophylaxie. Si notre pays a été le premier au monde à autoriser le recours à ce médicament, si les doses sont largement accessibles, financées par l’État, moins d’un patient concerné sur cinq a pu en bénéficier à ce jour. Le nombre de doses administrées chaque semaine en France diminue, alors que les contaminations ne cessent d’augmenter. Son accès est de plus très inégalitaire : dans certaines régions, dans certains hôpitaux, il est quasiment impossible d’en bénéficier. Pour les patients immunodéprimés qui répondent à la vaccination, un schéma renforcé avec cinq ou six doses, dont deux rappels, est nécessaire. Mais là aussi, leur accès aux soins est mauvais : seuls 56 % des patients dialysés et 52 % des greffés ont à ce jour reçu leur premier rappel.

Avec la suppression du port du masque et de la plupart des mesures sanitaires, les immunodéprimés sévères, trop souvent mal protégés, se retrouvent encore plus exposés. L’auto-confinement, auquel beaucoup sont contraints depuis plus de deux ans, se poursuit. S’ils échappent au virus et à sa contagiosité redoutable, c’est au prix d’une véritable mort sociale, dont les conséquences psychologiques, professionnelles, familiales sont majeures.

La recherche se mobilise-t-elle suffisamment pour répondre aux besoins des personnes immunodéprimées, d’après vous ? Que faudrait-il faire pour améliorer la situation ?

Alors que la perte d’efficacité des vaccins de façon générale est connue pour ces populations, on peut en effet regretter qu’elles soient systématiquement exclues des essais cliniques réalisés par les industriels pour les vaccins Covid-19. De même, très peu de travaux sont menés sur le renforcement vaccinal, c’est-à-dire les moyens de rendre les vaccins existants plus efficaces pour cette population, en augmentant les doses, la fréquence d’administration, en utilisant des adjuvants…

On dit qu’on juge une société à la manière dont elle traite les plus fragiles. Ces patients attendent à juste titre que la société ainsi que leurs soignants les protègent. Les freins rencontrés pour leur apporter cette protection, qui est vitale alors même que les moyens existent, interrogent. Vingt ans après l’adoption de la loi Kouchner, les refus de soins, la méconnaissance et le défaut fréquent de respect des recommandations, le manque de solidarité et d’empathie auquel ils sont confrontés au quotidien, sont autant de remises en cause de leurs droits à la santé et à l’inclusion.

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Association Renaloo

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Département de communication et d’information scientifique de l’ANRS : information@anrs.fr